Rencontre avec Edmond Tourriol, expert en narration et personal branding authentique
Edmond Tourriol, scénariste de bandes dessinées, traducteur de comics cultes, entrepreneur, cofondateur du studio MAKMA et de l’agence de communication Moklay, est aussi un expert en narration. Et c’est justement cette science du récit qu’il applique aujourd’hui au personal branding authentique. Pour le blog de Moklay, il partage sa vision, sans langue de bois, sur ce qui fait une marque personnelle forte, percutante et crédible. Loin des slogans creux, proche du vrai.
Edmond, tu es auteur, entrepreneur, traducteur, et on te connaît pour ta parole directe. Pourquoi est-ce que le personal branding authentique t’intéresse aujourd’hui au point d’en faire un sujet de conférence et de coaching ?
Edmond Tourriol : J’ai toujours été attiré par la liberté. La liberté de ton, la liberté de parole, la liberté de pensée. Je déteste qu’on m’entrave. Dans ma vie professionnelle, j’ai parfois dû me limiter, faire attention à ce que je disais pour ne pas choquer, pour ne pas attirer la foudre sur une de mes entreprises, pour ne pas nuire à un collectif. C’est très pesant. Et ça peut même pousser vers une certaine forme de schizophrénie entre vie personnelle et vie publique.
C’est aussi pour ça qu’aujourd’hui, je partage beaucoup de moi sur les réseaux. La plupart des gens qui cherchent un peu savent très vite qui je suis et où je me situe. Le personal branding ultime, c’est quand toi-même, tu te substitues à ta marque, à ta société. J’en suis loin, d’autant que les services de MAKMA, Moklay ou Flibusk dépassent de très loin mon propre savoir-faire. Peut-être que dans mes vieux jours, je ne parlerai plus qu’en mon nom pour vendre uniquement ce que je sais faire et ce que je veux faire. On verra.
De la narration à l’identité : comment Edmond Tourriol forge des marques personnelles fortes
On sent dans ta réponse cette tension entre identité personnelle et obligations collectives. Est-ce que tu penses que beaucoup de professionnels vivent cette forme de schizophrénie entre vie personnelle et vie publique sans le dire ?
Edmond Tourriol : Sans le dire, je ne sais pas. Une chose est sûre, il y a beaucoup de professionnels qui refusent de parler d’eux ou de se mettre en avant. Pour plein de raisons. La société française est très critique envers les gens qui se mettent en avant. On nous inculque très tôt qu’il faut rentrer dans le rang. Celui qui a des bonnes notes à l’école est vite perçu comme un élève prétentieux qu’il faut ostraciser. La bienveillance de l’éducation nationale valorise la médiocrité. C’est pour ça qu’il faut réapprendre à s’affirmer, à parler tout haut, à revendiquer ses valeurs sans attendre de hurler avec les loups ou de bêler avec les moutons.
Justement, dans ce contexte, comment on fait pour sortir du bois sans passer pour un prétentieux ou un gourou ? Où est, selon toi, la ligne entre affirmation de soi et posture égocentrée ?
Edmond Tourriol : C’est un juste équilibre. Pour certains, celui qui parle sera toujours prétentieux. C’est inévitable. Mais on ne peut pas plaire à tout le monde. Quand on est trop lisse, on ne convainc personne, de toute façon. Même le gourou a ses adeptes, par définition.
Ce qui compte, c’est de ne pas parler dans le vide. Et quand on ouvre son cœur, quand on raconte des choses qui comptent, il y a toujours un public que ça va intéresser. L’important, c’est qu’une partie de ce public doit faire partie de sa cible commerciale, d’une manière ou d’une autre.
Tu insistes sur la sincérité dans le discours. Tu dirais qu’il faut forcément parler de soi pour développer un personal branding efficace ? Ou est-ce qu’on peut construire une marque personnelle forte sans trop s’exposer ?
Edmond Tourriol : Sans forcément parler de soi, il faut parler au moins des sujets pour lesquels on veut être connu. Si ton boulot, c’est traducteur de comics, c’est bien de parler de comics, par exemple, même si tu ne parles pas de toi. Quand j’ai lancé ma carrière de traducteur de comics, au tout début des années 2000, je participais à tous les forums publics qui traitaient du sujet, j’avais des chroniques régulières en tant que blogueur invité sur deux sites d’actu, et j’ai lancé mon propre forum avec Superpouvoir.com qui se voulait une plateforme de discussion spécialisée qui m’aiderait à mettre en avant mon savoir-faire et celui de l’équipe MAKMA. C’était avant les réseaux sociaux, et ça a très bien marché.
Dans ce monde de personal branding parfois saturé, qu’est-ce qui t’agace le plus dans les discours qu’on voit aujourd’hui sur LinkedIn ou ailleurs ?
Edmond Tourriol : Je ne sais pas. J’ai beaucoup de recul sur ce qu’on appelle le “personal branding”. Il en faut beaucoup pour m’agacer à ce niveau. Les gens parlent de leurs succès ? Ils se mettent en scène ? Ils montent en aiguille la moindre réussite ? Et après ? C’est le jeu.
Je vois beaucoup de gens critiquer le “SMIC Linkedin à 10K” ou les “morning routines de winner”. Mais qui vous dit que les gens qui en parlent vous mentent ? Je ne mets pas en avant mes revenus dans mes billets Linkedin mais je parle souvent de mes activités physiques ou de mes méthodes de travail. Et c’est 100% vrai.
Non, ce qui m’agace vraiment sur Linkedin ou sur les réseaux, c’est cette bienveillance permanente et ce perpétuel signalement de vertu. Tout ça, c’est à gerber. C’est de l’hypocrisie puissance mille. Si les gens faisaient vraiment ce qu’ils annoncent (ou s’ils le faisaient avec leur argent d’entrepreneur et pas avec celui de leur patron), on lirait moins de conneries.
À l’inverse, quels sont les signaux qui, selon toi, montrent qu’un personal branding est réussi ? Qu’est-ce qui te donne envie de faire confiance à quelqu’un que tu ne connais pas personnellement ?
Edmond Tourriol : J’apprécie tout ce qui sort des discours formatés. Dès qu’un mec dit un truc qui n’utilise pas les éléments de langage classiques de la bienveillance universelle, je me dis que c’est potentiellement intéressant. C’est quelqu’un qui refuse d’entrer dans le moule. Donc forcément, ce n’est pas n’importe qui.
J’aime les gens qui n’ont pas peur d’essuyer des critiques parce qu’ils ont dit ou fait ce qu’ils estimaient juste. Quand on agit pour le qu’en dira-t-on, on peut faire de la merde. Quand on agit parce que c’est la meilleure chose à faire, alors on avance.
Tu parles souvent de narration, dans ton métier d’auteur comme dans ta manière de communiquer. En quoi, selon toi, la narration est-elle indispensable à un personal branding efficace ?
Edmond Tourriol : Savoir raconter une histoire, c’est important parce que c’est ce qui permet de transformer une information sèche en émotion porteuse de sens. En quelque sorte, c’est comme la science physique qui explique à quoi servent les mathématiques.
Le personal branding, c’est à la fois savoir se raconter et savoir se mettre en scène. C’est savoir identifier qui on est, d’où on vient, où on veut aller. C’est savoir se positionner en tant que protagoniste de sa propre aventure, en tant que héros de son propre scénario.
Comment on fait, selon toi, pour identifier son “héros intérieur” ? Par quoi on commence quand on veut raconter une histoire crédible, cohérente et authentique de soi-même ?
Edmond Tourriol : Il faut peut-être remonter à l’enfance. Au moment où on a compris que pour se protéger du monde extérieur, il fallait revêtir une armure en jouant un rôle social. C’est à l’école, bien souvent, qu’on a cette première prise de conscience.
Il faut se souvenir de qui on était à ce moment-là. Revenir aux racines de nos valeurs. Celles qu’on avait alors, celles que nous ont inculquées nos parents, nos mentors. Celles qu’on a envie de porter encore aujourd’hui. Dont on est fier et pour lesquelles on pourrait se battre.
Là, on saura qui est notre héros intérieur, et quelle est sa cause, son Graal. Quel est son propre voyage du héros, son odyssée. Il faut identifier quels ont été les éléments constitutifs de ce récit archétypal selon le mythe de Campbell. Alors, on pourra raconter son histoire, la mettre en scène, et anticiper les difficultés et le climax final.
Tu as dit plus tôt que le personal branding, c’était aussi se mettre en scène. Certains y voient du théâtre, voire du mensonge. Toi, comment fais-tu la différence entre mise en scène et trahison de soi ?
Edmond Tourriol : On peut toujours mentir ou faire l’acteur. Mimer plutôt que ressentir. Mais c’est vivre dans la peur. La nécessité d’être aligné nous empêche de nous mentir à nous-mêmes. On peut dissimuler la vérité aux autres mais on ne peut pas se mentir à soi-même. Un bon personal branding se doit d’être honnête, sinon notre vie deviendra un cauchemar schizophrénique.
La mise en scène n’est pas un problème si elle est sincère. Ce n’est ni plus ni moins que de l’exubérance organisée et planifiée. La trahison de soi, c’est refuser de révéler certains côtés de sa personnalité. On a tous le droit d’avoir son jardin secret. Ensuite, si on en a honte, peut-être qu’on a conscience qu’il faut changer.
Si on n’en a pas honte mais qu’on évolue dans une société qui n’est pas alignée avec nos propres convictions, alors soit on change de société, soit on change la société. Le personal branding, c’est aussi choisir son camp et se battre.
Personal branding authentique : une rébellion contre le consensus mou
Tu évoques la société, les normes, les rôles qu’on nous impose. Est-ce que tu dirais qu’un bon personal branding, c’est aussi une forme de rébellion ?
Edmond Tourriol : Forcément. Parce que si tu te coules dans un consensus mou, alors c’est que ta personnalité ne vaut rien. Tu dois donc au moins te rebeller contre les positions tièdes. Choisir tes causes et les défendre. Si tu n’as pas d’ennemi, c’est que tu n’as pas non plus d’amis véritables. Sois fort. Choisir, c’est renoncer.
Dans tout ce que tu dis depuis le début, on sent que tu accordes une grande place à la clarté. Pourquoi, selon toi, tant de gens ont un discours flou sur eux-mêmes ? Qu’est-ce qu’ils fuient ou qu’ils n’osent pas affronter ?
Edmond Tourriol : Depuis l’école, la société exige de nous qu’on se conforme à certaines normes. Dès qu’on sort du rang, on nous le fait payer d’une manière ou d’une autre. Les mauvais élèves sont saqués par les profs, les bons élèves sont persécutés par les cancres. En dehors du ventre mou, point de salut. Tout doit être tiède. Pas d’arête, pas de rugosité. Tout doit être lisse. Jamais de risque.
On est dans la société du tiède. C’est ça, le flou. Comment avoir un discours tranché si la société dans laquelle tu as grandi rejette les gens qui sont sûrs d’eux ? Même les algorithmes des IA sont conçus pour bannir les verbes comme “savoir” et les remplacer par “croire”. La certitude est devenue une agression, tout ça parce que la course à la bienveillance fait qu’on ne peut plus dire à quelqu’un qu’il se trompe. Parce que selon la société d’aujourd’hui, tout le monde a sa vérité, et tous les points de vue se valent. Non, c’est de la merde. La vérité, c’est la vérité. Il n’y en a qu’une. Les gens voient flou parce qu’on leur a volé leurs lunettes quand ils sont rentrés à l’école.
Eh bien, merci Edmond pour cet entretien, et bravo pour ton positionnement clair !

Chez Moklay, Edmond Tourriol propose aujourd’hui des services de consultation en personal branding pour les entrepreneurs qui souhaitent développer une présence authentique et percutante. Pour en savoir plus ou prendre rendez-vous, contactez-nous !